National Arbitration Forum

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

 

 

Polaris Industries Inc. v. De Chanaud Julien

Numéro d’instance: FA1351218

 

PARTIES

Le Requérant est Polaris Industries Inc. (le « Requérant »), représenté par William D. Schultz, of Merchant & Gould P.C. Le Défendeur est De Chanaud Julien (le « Défendeur »), Saint-Laurent du Var, Provence-Alpes-Côte d'Azur, France.

 

Organe d’enregistrement et nom de domaine contesté

Le nom de domaine contesté est <polaris.com>, qui a été déposé auprès de OVH, France.

 

COMMISSION

Le soussigné certifie qu'il a agi de manière indépendante et impartiale, et qu'à sa connaissance, son appartenance à la Commission en cette instance ne crée aucune situation de conflit d’intérêts.

 

Roberto A. Bianchi, en qualité de Membre de la Commission.

 

Historique de la procédure

Le 12 octobre 2010, le Requérant a saisi, par voie électronique, le National Arbitration Forum (le « Forum ») d’une Plainte.

 

Le 13 octobre 2010, OVH a confirmé par courrier électronique au Forum que le nom de domaine <polaris.com> est déposé auprès de OVH, et que le Défendeur est le titulaire actuel du nom. OVH s’est assuré que le Défendeur était lié par le contrat d’enregistrement de OVH, et qu’il a, en conséquence, convenu de régler les différends concernant des noms de domaine introduits par des tiers conformément aux Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (les « Principes directeurs ») et aux Règles d’application des principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (les « Règles d’application ».)

 

Le 15 octobre 2010, le Forum a signifié la Plainte et l’ensemble de ses Annexes, y compris une Notification écrite de la Plainte comportant une date limite, fixée au 1er novembre 2010, à laquelle, au plus tard, le Défendeur pouvait communiquer, par courrier électronique, une Réponse à la Plainte à toutes les entités et personnes énumérées dans l’enregistrement de Défendeur en qualité de contacts techniques, administratifs et de facturation, ainsi qu’à l’adresse postmaster@polaris.com.  Également le 15 octobre 2010, la Notification écrite de la Plainte, notifiant au Défendeur les adresses de courrier électronique auxquelles ont été adressées des significations et la date limite de Réponse, a été transmise au Défendeur par courrier et télécopie, ainsi qu’à toutes les entités et personnes énumérées dans l’enregistrement du Défendeur en qualité de contacts techniques, administratifs et de facturation.

 

Une Réponse a été reçue le 1er novembre  2010. 

 

Une Soumission supplémentaire du Requérant a été reçue le 5 novembre 2010, conformément à la Règle supplémentaire 7. 

 

Une Soumission supplémentaire du Défendeur a été reçue le 10 novembre 2010, après la date limite de dépôt des soumissions.    

 

À la date d’entrée fixée, conformément à la requête du Requérant pour que le différend soit réglé par une Commission composée d’un membre unique, le Forum a nommé Roberto A. Bianchi en qualité de membre de la Commission.

 

DÉCISION DEMANDÉE

Le Requérant demande à la Commission administrative de rendre une décision ordonnant que le nom de domaine <polaris.com> soit transféré au Requérant.

 

 

ARGUMENTATION DES PARTIES

 

A. Requérant

Dans sa Plainte, le Requérant présente les arguments suivants :

 

-         Le nom de domaine polaris.com présente des similitudes prêtant à confusion avec les marques POLARIS dont le propriétaire est le Requérant.

 

-         Le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime à faire valoir sur le nom de domaine <polaris.com>. Le fait d’enregistrer un domaine dans le but de rediriger les internautes intéressés vers les produits d’un site concurrent ne constitue pas une offre de biens de bonne foi, comme indiqué dans le paragraphe 4(c)(i) des Principes directeurs.  Le Défendeur n’a pas obtenu la permission d’utiliser la marque, et ne fait pas une utilisation non commerciale légitime ou loyale de la marque car il utilise le site à des fins de publicité commerciale.  Le Défendeur est responsable du contenu publié sur les sites Web utilisant les noms de domaines litigieux. Le Défendeur n’a pas utilisé le nom de domaine dans le cadre d’une offre de biens ou de services de bonne foi car son intention était que les consommateurs cliquent sur des liens rémunérés au clic à leur insu. Son but était d’enregistrer le nom de domaine afin de détourner le trafic de Polaris et non de l’utiliser dans le cadre d’une vente de biens.  Les consommateurs non avertis cherchant à accéder au site Web de Polaris peuvent être redirigés vers le site du Défendeur à leur insu, car ce nom de domaine comprend la marque POLARIS de Polaris.  En accédant au site du Défendeur, les consommateurs peuvent être trompés par des termes tels que « Pièces pour véhicules tous terrains Polaris », « Véhicules utilitaires Polaris », « Accessoires Polaris Ranger » et « Polaris Sportsman », car ceux-ci figurent également sur le site officiel de Polaris.

 

-         Le Défendeur n’est pas connu sous le nom de la marque et n’a pas été autorisé à l’utiliser par Polaris. Polaris n’a pas concédé de licence d’utilisation de ses marques POLARIS au Défendeur.  Les droits de Polaris sur les marques POLARIS sont antérieurs à l’enregistrement du nom de domaine du Défendeur.  Le nom de domaine polaris.com clairement ne fait pas référence au Défendeur. Le fait que le Défendeur redirige le trafic vers un site Web proposant des publicités commerciales est considéré comme une utilisation illégitime.  Le nom de domaine est exploité à des fins commerciales et propose des publicités et des liens vers des sites Web tiers. Le Défendeur n’utilise pas le nom de domaine de façon légitime, non commerciale ou loyale, car il l’a enregistré dans le but de détourner le trafic Web de Polaris vers un annuaire de sites contenant des publicités de concurrents de Polaris.  En utilisant le nom POLARIS dans le nom de domaine, le Défendeur exploite la renommée de Polaris et tente d’attirer les consommateurs sur son site Web en leur faisant croire que ce dernier contient des informations sur Polaris et les produits de la marque POLARIS.

 

-         Le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.  Le Défendeur a enregistré un nom de domaine en étant pleinement conscient des droits en matière de marque commerciale de Polaris relatifs à ce nom, ce qui prouve sa mauvaise foi.  Les marques POLARIS de Polaris étaient déjà enregistrées au moment de l’enregistrement du nom de domaine.  Le Défendeur était donc implicitement au courant des droits afférents à la marque commerciale de Polaris sur les marques POLARIS lors de l’enregistrement du nom de domaine. Comme le site Web lié au nom de domaine polaris.com contient des publicités de concurrents de Polaris, le Défendeur a également agi de mauvaise foi en vertu du paragraphe 4(b)(iii) des Principes directeurs.    La tentative intentionnelle du Défendeur d’attirer des utilisateurs d’Internet sur son site Web en utilisant un nom similaire à celui de la marque POLARIS de Polaris et prêtant à confusion, constitue une violation du paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs.  Le Défendeur est responsable du contenu publié sur son site Web lié au nom de domaine en litige.

 

 

 

B. Défendeur

Dans sa Réponse, le Défendeur présente les arguments suivants :

 

-         POLARIS est une marque générique. A ce titre, le caractère distinctif de cette marque et la renommée évoquée par le Requérant ne s’applique qu’au domaine des véhicules tout-terrains et des accessoires qui y sont directement liés. Le Requérant ne peut donc prévaloir d’un quelconque droit de sa marque sur les noms de domaines composés uniquement du terme POLARIS et d’une extension générique ou nationale. Le seul terme « Polaris » ne permet pas de distinguer les produits du Requérant d’autres produits ou significations existantes.

 

-         Le Défendeur concède que le nom de domaine est identique à l’extension près à la marque POLARIS du Requérant. Toutefois, le Défendeur précise que c’est également le cas pour l’ensemble des dépositaires des 117 dépôts de la marque POLARIS.

 

-         Ayant de multiples significations, définitions et utilisations, le terme POLARIS constitue un terme générique. Ainsi, le Défendeur a ipso facto un intérêt légitime dans le nom de domaine polaris.com car il est constitué exclusivement d’un terme et d’une extension générique. Les noms communs et les termes génériques sont des sujets légitimements sujets à des enregistrements en tant que les noms de domaine sur la base du « Premier arrivé, premier servi ».

 

-         Le Requérant n’a pas de droits exclusifs sur le terme POLARIS étant donné sa généricité et son caractère commun. Etant donné la multiplicité des détenteurs de droits sur les marques POLARIS, une autorisation d’utilisation de ce terme n’est pas requise. En conséquence, l’absence d’autorisation fournie par le Requérant ne signifie pas, dans le cas présent, que le Défendeur n’a aucun droit et intérêts légitimes sur ce nom de domaine.

 

-         L’affichage de liens composé d’un terme générique constitue une offre de biens et de services de bonne foi si cela n’est pas motivé par la volonté de profiter uniquement de la notoriété de la marque du requérant.

 

-         Le Défendeur est propriétaire du nom de domaine <polaris.me> enregistré le 23 juillet 2008. Depuis octobre 2008, le défendeur gère le site Internet qui est lié au nom de domaine <polaris.me> du Défendeur est indiqué en bas de chaque page du site ainsi que dans le code-source. Le contenu de <polaris.me>  est lié à l’une des significations de POLARIS en tant qu’univers de science-fiction et jeu de rôle. Le Défendeur est simplement un passionné de cet univers et a été autorisé par l’éditeur et l’auteur principal à réutiliser les images et partiellement les textes produits.

 

-         La généricité du terme POLARIS, le fait que le Défendeur soit concerné par la signification en tant qu’univers de science-fiction et l’absence de procédures UDRP depuis la création du nom de domaine <polaris.com> en 1992 ont permis au Défendeur de conclure qu’il pouvait enregistrer le nom de domaine <polaris.com>  en toute bonne foi sans interférer avec les multiples sociétés, y compris le Requérant, ayant effectué des dépôts de la marque POLARIS en France comme à l’étranger.

 

-         L’absence d’une nuisance envers le Requérant et le caractère courant du terme POLARIS permettent de conclure que la présence de liens vers des concurrents du Requérant n’a pas pour but de détourner les visiteurs et que la mauvaise foi du Défendeur n’est donc pas démontrée. Plusieurs facteurs influencent le choix du prestataire Google pour les publicités à afficher. Le lieu géographique où se situe le visiteur ainsi que les précédentes recherches qu’il a effectué sur le moteur de recherche Google font que différentes publicités sont présentées. Il n’y a pas de volonté de la part du Défendeur d’afficher un contenu pouvant intentionnellement porter à confusion avec les marques du requérant. Du fait que le nom de domaine n’apparaît pas dans les résultats de recherche du moteur Google et que la promotion active soit interdite, le Défendeur entend démontrer qu’il n’y a également aucune volonté d’attirer des visiteurs afin de les induire en erreur. L’enregistrement ne visant pas spécifiquement le requérant et l’utilisation en exploitant la généricité du terme POLARIS impliquent qu’il s’agit d’une utilisation de bonne foi.

 

Ecrits supplémentaires.

Le 5 novembre 2010 le Requérant a déposé des « Conclusions écrites supplémentaires ».  Après avoir examiné cet écrit ainsi que la « Réponse Complémentaire » du Défendeur, déposée le 10 novembre 2010, la Commission trouve que les arguments de la Réponse sont d´une nature tel qu´ils pouvaient avoir été prévus par le Requérant. Par conséquent, la Commission décide, en exerçant ses pouvoirs généraux conformément au paragraphe 10(a) des Règles d’application, qu´il ne pas nécessaire de considérer, ni les « Conclusions supplémentaires » du Requérant en tant que simple réponse a la Réponse , ni la « Réponse Complémentaire » du Défendeur, qui se limite à réfuter, à son tour, les arguments contenus dans les dites «Conclusions écrites supplémentaires». Voir American Airlines, Inc. v. Proxied Domains - wlsa Client Account c/o Proxy Domain Manager, FA 1248138 (Nat. Arb. Forum 8 avril 2009) (où la commission se refusa à considérer un écrit additionnel parce qu’il ne contenait aucune information nouvelle ou des arguments que le requérant n`aurait pu prévoir ; en outre, la commission se refusa à considérer la réponse du défendeur à l’écrit additionnel du requérant.) Voir aussi Elec. Commerce Media, Inc. v. Taos Mountain, FA 95344 (Nat. Arb. Forum 11 octobre 2000) (considérant que la Règle supplémentaire 7 du Forum ne pouvait pas requérir à la commission d´accepter les écrits supplémentaires parce que cela violerait le paragraphe 12 des Règles d´application, qui attribue exclusivement à la commission le pouvoir de requérir et d´accepter des matériaux additionnels des parties. )

 

La Commission coïncide avec la commission de Elec. Commerce Media dans le sens qu´une règle supplémentaire ne peut pas requérir à une commission d´accepter des écrits supplémentaires. La Commission estime que la Règle supplémentaire 8 du Forum doit être interprétée comme faisant référence à seuls les écrits additionnels faits par application de la Règle supplémentaire 7 acceptés pour considération par la commission. Voir aussi American Newland Communities, L.P. v. John Choate d/b/a Choate Custom Homes, LLC, FA 1313074 (Nat. Arb. Forum 23 avril 2010), où le soussigné décida qu´il n´y avait pas besoin de considérer la présentation additionnelle du requérant ou la réponse additionnelle du défendeur parce que la première ne contenait des arguments relevantes allant au-delà de ceux déjà contenus dans la plainte.

 

LES FAITS

Polaris Industries est un fabricant de véhicules de loisirs et de sport spécialisé dans la construction de véhicules tous terrains, de motos et de motoneiges.  Ses produits sont distribués aux États-Unis et dans plusieurs autres pays, y compris la France.

 

Polaris Industries a commencé son activité de fabrication et de vente de motoneiges dans les années 50, et a développé une branche véhicules tous terrains en 1985 sous la marque POLARIS. Depuis cette époque, les motoneiges, véhicules tous terrains, véhicules de proximité et d`autres produits de la société Polaris Industries ont été commercialisés sous la marque POLARIS.

 

Le Requérant est également propriétaire de plus de 20 marques POLARIS enregistrées aux États Unis d’Amérique, dont la plus ancienne est Reg. nº 767,029, classe internationale 12, protégeant des traîneaux motorisés et leur parties, date de dépôt 12 décembre 1962, date d`enregistrement 24 mars 1964, premier usage/premier usage dans le commerce 15 juillet 1949.

 

Polaris Industries est propriétaire des suivantes marques POLARIS enregistrées en France :

-         nº 1678260, Classes Internationales. 9, 12 et 25 (Appareil de locomotion par terre, appareil de locomotion tout terrain; appareil de locomotion sur neige, véhicule terrestre; véhicule destiné aux déplacements sur neige; véhicule équipé de skis pour le déplacement sur neige; scooter de neige; véhicule de neige; parties constitutives d'un tel appareil de locomotion sur neige; appareil de locomotion par eau; véhicule maritime, véhicule fluvial; véhicule destiné aux déplacements sur l'eau; véhicule équipé de skis pour le déplacement sur l'eau; scooter aquatique; véhicule aquatique; parties constitutives d'un tel véhicule aquatique; vêtements, chaussures, chapellerie; vêtements d'hiver; survêtements d'hiver; casques de protection; gants; mitaines; vestes, vestes d'hiver; chandails; pull-overs; bonnets; bottes, bottes d'hiver; Cache-col). Date de dépôt / Enregistrement: 10 juillet 1991.

-         1713833, Classe Internationale 12 (Véhicules, notamment véhicules de neige, véhicules tout terrain, véhicules aquatiques individuels à moteur; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau). Date de dépôt / Enregistrement : 23 décembre 1991.

-         3444022, Classe Internationale 12  (Véhicules, véhicules tout-terrain, véhicules utilitaires, autoneiges, motocyclettes). Date de dépôt / Enregistrement: 1er août 2006.

-         En outre, Polaris Industries est propriétaire de la marque communautaire POLARIS nº 1898196, Classes internationales 3, 4, 8, 9, 11, 12, 14, 16, 20, 21 et 28 (Produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser; cire à polir; kits de nettoyage ; Huiles, graisses, lubrifiants ; Casques protecteurs; lunettes de protection; bottes de protection; vêtements renforcés pour motocyclistes; vêtements de protection pour motocyclistes; tapis de souris; allume-cigares pour véhicules ; Feux utilisés sur des véhicules et enseignes au néon ; Chasse-neige, véhicules et motos tout terrain; appareils de locomotion par eau, véhicules aquatiques, scooters des mers, buggys des sables, hors-bord; pièces et accessoires de motos; sacoches et sacoches de selles de motos; bagages spécialement conçus pour les motos; housses pour motos ; Joaillerie, montres, horloges et instruments chronométriques; Livres, produits de l'imprimerie; publications imprimées; tapis de souris ; Meubles, glaces (miroirs), cadres; tabourets de bar ; Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine; chopes, tasses et verre ; Jeux, jouets). Date de dépôt / Enregistrement : 13 octobre 2000.

Le nom de domaine en cause a été enregistré le 14 mai 2010.

La page initial du site Web « www.polaris.com »,  datée 30 septembre 2010, montre les suivantes « listes sponsorisées relatives à polaris.com »: Un « Victory® Official Site », relatif à des motos Victory (marque du Requérant) indiquant le site www.polarisindustries.com, et d´autres liens relatifs à des produits POLARIS du Requérant. Seulement un de ces liens a relation avec un robot d´entretien de piscines protégé par la marque POLARIS, dont le fabricant n`est pas lié au Requérant. D`autres liens sont montrés également, offrant des produits apparemment fabriqués par des concurrents du Requérant.

 

 

DISCUSSION

Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, le requérant doit prouver que :

 

A)     le nom de domaine du défendeur est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le requérant a des droits; et

 

B)      le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache; et

 

C)     le nom de domaine du défendeur a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

 

Question préalable : Langue de la procédure.

Le contrat d'enregistrement du nom de domaine litigieux a été rédigé en français. La plainte a été déposée en anglais et en français, alors que la réponse du défendeur a été déposée en français. Considérant que, en principe, la langue du contrat d´enregistrement détermine la langue de la procédure, la Commission  administrative décide de rendre sa décision en français, conformément au paragraphe 11(a) des Règles d´application.

 

A.        Identité ou similitude prêtant à confusion

 

Le Requérant a prouvé qu`il est titulaire de la marque POLARIS en indiquant plusieurs enregistrements, ce qu’a été constaté par la Commission en visitant les bases de données TESS de l´U.S.T.P.O. (Etats Unis) et de l´ I.N.P.I. (France). Voir section « Les Faits » supra. Dès que le Requérant a obtenu et maintenu jusqu´au présent ces enregistrements de la marque POLARIS en France, aux États Unis et ailleurs, il faut conclure qu`il s`agit d`une marque valide, ce qui veut dire que, par rapport aux produits pour lesquels elle a été déposée, la marque est distinctive et non « générique », malgré les allégations du Défendeur. Voir Colle SA c. Editions et Publicités, D2002-1054 (OMPI 23 janvier 2003), où la commission considéra qu´elle n´avait pas compétence pour apprécier le caractère distinctif d’une marque, cette appréciation relevant de la seule compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire ; voir aussi Associated Bank Corp. v. Texas International Property Association, D2007-0334 (OMPI 28 juin 2007) ( « les questions d´invalidité de la marque, y compris la question de si une marque est en fait générique ou très distinctive et ainsi pas susceptible d´exclusivité légale comme marque fédérale valide, simplement ne sont pas dans le cadre d´une procédure UDRP, et doivent être laissées à la décision d´une cour ou d´un autre organe du gouvernement ayant de juridiction et compétence appropriées pour décider la matière »).

 

Comme l`admet le Défendeur, la Commission conclue que le nom de domaine <polaris.com> est identique ou similaire au point de prêter à confusion à la marque POLARIS sur laquelle le Requérant à des droits.

B.        Droits ou intérêts légitimes

Le Défendeur soutient que, ayant de multiples significations, définitions et utilisations, le terme POLARIS constitue un terme générique et que, par conséquent, le Défendeur y aurait ipso facto un intérêt légitime car le nom de domaine <polaris.com> est constitué exclusivement d’un terme et d’une extension générique, légitimement sujet à enregistrement sur la base du « Premier arrivé, premier servi ».

Le Défendeur soutient aussi que POLARIS est le nom d'un monde de science-fiction et d´un jeu de rôle, dont la diffusion est faite par le Défendeur sur le site Web « www.polaris.me »  associé au nom de domaine <polaris.me> que le Défendeur a enregistré en 2008. Pourtant, à l´avis de la Commission, ce fait montre simplement que POLARIS n'est pas un terme générique, mais en tout cas distinctif d´ un monde fictif ou d´un jeu de rôle, de la même façon que « polaris » est distinctif, et non générique, par rapport aux produits et services protégés par la marque POLARIS du Requérant.

Reconnaissant in abstracto que l`enregistrement d`un nom de domaine en tant que terme générique peut être légitime[1], la Commission ne reste pas convaincue de ce que, selon les usages du nom par le Défendeur prouvés par le Requérant, « polaris » soit un terme générique. En effet, aucun des usages du terme « polaris »  sur le site « www.polaris.com » n`est « le nom même du produit ou du genre auquel il appartient, et qui est nécessaire ou habituel pour le désigner », c´est à dire, générique. Voir « FAQ » de l`INPI français à http://www.inpi.fr/fr/questions-faq/question/faq_question/est-il-possible-de-deposer-un-terme-generique-en-tant-que-marque-1501.html?cHash=1566208d8e.

L'usage du nom de domaine litigieux par le Défendeur montre que la plupart des « liens sponsorisés » insérés sur le site « www.polaris.com » font référence aux produits protégés par la marque POLARIS du Requérant ou à d'autres produits du Requérant, y compris les cas où les utilisateurs d´Internet ne sont pas redirigés vers des sites Web appartenant au Requérant. Même lorsqu´un lien sur le site Web www.polaris.com fait référence à un appareil de nettoyage pour piscines protégé par la marque POLARIS (d´un titulaire autre que le Requérant), on ne ressort pas à un certain caractère générique du terme « polaris », mais à un usage tout à fait distinctif. Le Défendeur cite plusieurs décisions des commissions administratives pour appuyer son allégation que le nom de domaine litigieux serait générique et lui donnerait le droit d´enregistrer le nom de domaine sur la base du principe « first come, first served ». Pourtant, aucun de ces cas n`est applicable aux faits et circonstances présentes, par les raisons suivantes :

 

-         Dans Energy Source Inc. v. Your Energy Source, FA 0096364 (Nat. Arb. Forum 19 fevrier 2001), concernant  <yourenergysource.com>, le défendeur avait démontré à satisfaction de la commission que le nom de domaine était composé par de termes génériques et descriptifs. La marque du requérant était utilisée en connexion avec des produits possédant de l´information sur l´énergie et d´autres produits relatifs à l´énergie. La marque fédérale « ENERGY SOURCE » du requérant avait été cancellée une année avant que la plainte fut déposée. Dans le cas présent, aucun des usages du terme « polaris » dans les liens publiés sur le site Web « www.polaris.com »  n´est le nom nécessaire des produits ou services offerts par le Requérant ou par d´autres titulaires de la marque POLARIS appliquée à d´autres produits ou services. Autrement dit, ni la marque ni le terme « polaris » sont « génériques ». D´autre part, la marque du Requérant est en vigueur, et, comme noté à la section « Les Faits » supra,  elle a été enregistrée en France bien avant l´enregistrement du nom de domaine en cause.

 

-         Dans Zero International Holding GmbH & Co. Kommanditgesellschaft v. Beyonet Services and Stephen Urich, D2000-0161 (OMPI 12 mai 2000), concernant <zero.com>, le défendeur n´avait jamais su du requérant au temps d´enregistrer le nom de domaine. En outre, le terme « zero » est commun en anglais. Dans le cas présent, le Défendeur a fait des recherches des marques montrant l´existence du Requérant et de sa marque POLARIS au temps d´enregistrer le nom de domaine, ce qui permet de conclure que le Défendeur savait ou aurait dû savoir du Requérant. D´autre part, le terme « polaris » ne semble pas d¨être commun. En date du 24 novembre 2010, la Commission a cherché le terme « polaris » dans le dictionnaire Larousse français en ligne (http://www.larousse.com/es/diccionarios/frances/polaris, sans aucun résultat.

 

-         Dans Miller Brewing Company v. Yunju Hong, FA 0192732 (Nat. Arb. Forum  8 décembre 2003), concernant <highlife.com>, la commission trouva que “high” et “life” sont des termes génériques qui, ensemble, composent une phrase également générique, « high life », utilisée dans la langue habituelle. En addition, on trouva que le défendeur utilisait légitimement cette phrase générique en connexion avec un moteur de recherches. Par contre, dans le cas présent « polaris » ne semble pas d´être un terme habituel. D`autre part, les résultats offerts par le programme AdSense sur le site « www.polaris.com » du Défendeur sont principalement associés aux produits et marque du Requérant ou a ceux de ses concurrents.

 

-         Dans Successful Money Management Seminars Inc. v. Direct Mail Express, FA 0096457 (Nat. Arb. Forum 7 mars 2001), concernant <seminarsuccess.com>, la commission trouva que le terme anglais « seminar » est descriptif et d´application générale et commune, et que chacun des termes composant le nom de domaine était applicable généralement à l´activité des parties dans la procédure. Dans le cas présent, ni le Requérant, qui applique la marque POLARIS à ses produits, ni le Défendeur dans son usage du terme « polaris » fait sur le site Web correspondent, semblent d`avoir utilisé ce terme dans un sens descriptif ou générique.

 

-         Dans Churrascaria Porcão Ltda. v. Prime Products International, Inc. D2001-0535, (OMPI 6 juillet 2001), concernant <porcao.com>, le soussigné, agissant comme membre unique de la commission, considéra que « porcão » est un terme commun en portugais qui signifie « cochon », ce qui donnerait un certain appui a l´intention du défendeur, de développer un site Web dédié à l´agriculture au Brésil. En addition, le défendeur n´utilisait pas le site Web correspondant au nom de domaine concerné. Dans le cas présent, on n`a pas prouvé que « polaris » serait un terme commun, ni en anglais ni en français. D´autre part, le Défendeur utilise son site Web « www.polaris.com » en permettant l´insertion et l´usage des liens contenant des références aux produits des fabricants concurrents avec le Requérant.

 

Dès que le Défendeur a librement conclu avec Google un contrat des services AdSense[2]  dirigé à obtenir et partager des revenus du "pay-per-click» (payement pour clic chaque fois qu´on tape sur des liens publiés sur le site Web www.polaris.com), le Défendeur reste responsable et ne peut pas excuser sa responsabilité, en alléguant absence de contrôle sur le programme AdSense de Google, lorsque son site Web présente des liens redirigeant des visiteurs aux sites Web appartenant à des concurrents du Requérant dans le même ou pareil secteur d´affaires. Voir TM Acquisition Corp. v. Sign Guards, FA 132439 (Nat. Arb. Forum 31 décembre 2002), considérant que l´usage des marques du requérant destiné à diriger utilisateurs d´Internet vers un site Web contenant plusieurs liens dont quelques-uns uns redirigeaient vers des concurrents du requérant, n´était pas une offre de bonne foi des produits ou services). La Commission trouve qu`un tel comportement ne démontre ni droits ni intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Voir EducationDynamics, LLC v. Texas International Property Associates, FA 1139891 (Nat. Arb. Forum 18 mars 2008) (étant donné que les noms de domaine en cause redirigeaient à des sites Web contenant des matières et liens offrant des produits et services en concurrence directe avec ceux du requérant, la commission trouva que le défendeur n`avait pas de droits ou légitimes intérêts et que, en particulier, son usage des noms de domaine n´était pas une offre bona fide des produits ou services dans le sens du paragraphe 4(c)(i) des Principes directeurs.)

 

Étant donné que le Requérant nie spécifiquement qu´aucune des circonstances du paragraphe 4(c) des Principes directeurs puissent être applicables dans l´espèce, et que le Défendeur n`a pas démontré une autre circonstance favorable á sa cause dans le sens dudit paragraphe, la Commission conclue que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache.

 

C.        Enregistrement et usage de mauvaise foi

Compte tenu que la marque POLARIS, protégeant les produits de la Requérante, a été enregistrée en France, pays de résidence du Défendeur, bien avant la date d'enregistrement du nom de domaine litigieux par le Défendeur, et même avant le premier enregistrement du nom de domaine en 1992, on doit présumer que le Défendeur connaissait ou devait connaître la marque POLARIS du Requérant au temps d`enregistrement. En fait, le Défendeur admet d´avoir fait de recherches de marques, et ne nie pas d´avoir su du Requérant comme résultat de telles recherches ou par un autre moyen.


Le Défendeur soutient que le nom de domaine polaris.com serait « générique », ce qui lui donnerait un motif légitime pour l`avoir enregistré. Pourtant, aucun élément de preuve dans le dossier ne montre une utilisation quelconque par le Défendeur du nom de domaine relative à ce allégué caractère générique[3]. Selon l´impression de page Web disponible sur le site Web « www.polaris.com » en date du 30 septembre 2010 (avant que la Plainte fut déposée), les  « liens sponsorisés » y existant sont surtout liés aux produits POLARIS du Requérant. Le fait que sur cette page il y ait aussi un lien sponsorisé relatif à un produit non lié au Requérant, ne fait pas l`usage du terme moins distinctif.


Le Défendeur utilise le système AdSense de Google sur le site Web correspondant au nom de domaine litigieux pour bénéficier du payement au clic. Dû aux caractéristiques du programme AdSense, étant donné que le Défendeur connaissait ou devait connaître le Requérant et sa marque POLARIS, et le fait que les utilisateurs d'Internet cherchant le Requérant puissent composer directement « polaris » sur leurs claviers, on peut conclure que le Défendeur a créé les conditions pour que des visiteurs du site « www.polaris.com » soient redirigés vers des sites commerciaux non liés au Requérant, et en concurrence avec celui-ci. Cette utilisation par le Défendeur du nom de domaine en cause est une preuve de ce que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi conformément au paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs («  en utilisant ce nom de domaine, vous avez sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne vous appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de votre site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé ».) Voir France Telecom v. Domaincar, Litige OMPI nº D2006-0179, citant Deutsche Telekom AG v. WWW Enterprises, Inc., Litige OMPI nº D2004-1078, considérant que des sites avec de listes crées par Google AdSense sont un véhicule pour générer des revenus proportionnels au nombre des connections, ainsi satisfaisant les conditions du paragraphe 4 (b)(iv) des Principes Directeurs.

 

 

DÉCISION

Le Requérant ayant prouvé toutes les conditions du paragraphe 4 (a) des Principes directeurs, la Commission administrative décide en conséquence le transfert du nom de domaine <polaris.com> au profit du Requérant.

Roberto Bianchi

Expert Unique

 

Date : Le 25 novembre 2010

 

 

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National Arbitration Forum


 



[1] Un exemple d´enregistrement légitime fondé sur le caractère générique du terme pourrait être l`enregistrement de <elephant.com> par le défendeur de Admiral Insurance Services Limited v. Mr. Adam Dicker, D2005-0241 (OMPI 4 juin 2005), jugé légitime par la commission. Il faut noter que, selon la commission, le défendeur, avant de connaître la marque du requérant, avait utilisé le nom de domaine fournissant des informations sur les éléphants, accompagnées de publicité non liée aux produits du requérant.

 

[2] Selon la Wikipedia, « AdSense est la régie publicitaire de Google utilisant les sites Web comme support pour ses annonces. Celles-ci sont le plus souvent contextuelles, mais plusieurs formules sont offertes, et aussi plusieurs types d'annonces incluant les parrainages de produits Google et le champ de recherche. Les annonces sont des textes ou des images, et des vidéos sont également employées par le moteur de recherche Google et par son service de webmail, Gmail. » Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/AdSense.

[3] Le 17 novembre 2010 la Commission visita la « Wayback Machine », c´est à dire le site Web « www.archive.org », afin d´obtenir des pages historiques du site Web « www.polaris.com », la visite étant sans succès car l'accès aux robots des logiciels du type « crawler » avait été bloqué par le propriétaire du site, voir le Défendeur dans cette procédure, en utilisant le fichier "robots.txt". Voir http://web.archive.org/web/ * / http://www.polaris.com.